Roxappho Nymphe fantasque
Age : 39 Nombre de messages : 2860 Localisation : Guyenne Date d'inscription : 10/03/2009
| Sujet: Qu'est-ce qui se cache derrière ces masques ? Ven 28 Oct - 7:21 | |
| Source: http://www.lemonde.fr/culture/article/2011/10/27/qu-est-ce-qui-se-cache-derriere-ces-masques_1594937_3246.html Qu'est-ce qui se cache derrière ces masques ?Le Musée Dapper à Paris présente jusqu'au 15 juillet 2012 une exposition intitulée "Mascarades et carnavals". A l'entrée, un film montre la cérémonie carnavalesque, et très africaine, du Dekatman Mas, perpétuée par le groupe Voukoum de Basse-Terre, en Guadeloupe. On y voit également les belles images, que le photographe anglo-trinidadien Zak Ové a réalisées à Port of Spain (Trinité-et-Tobago) - masques de peintures blanches, hommes échassiers, drapeaux des nations africaines.
C'est une mise en bouche tout en musique et couleurs. Mais elle tourne court. Pourquoi courir les carnavals ? Pour s'amuser, danser, en mettre plein la vue. Avant tout. Si, au temps de l'esclavage, les fêtes autorisées par les seigneurs blancs permettaient aux Africains captifs d'exprimer des croyances animistes sous couvert de symboles catholiques, elles étaient aussi d'efficaces et joyeux exutoires à la dureté de leur condition. De ces rituels syncrétiques - carnaval païen des Européens, cérémonies religieuses de l'Afrique noire - est née une forme de fête communautaire, avec soubassements mystiques, pivot de la vie sociale des Amériques et des Caraïbes.
Le Musée Dapper en cherche les sources africaines, mais rate le virage contemporain. Dans la forme d'abord, en se passant d'une scénographie dynamique, y compris dans la petite salle consacrée en fin d'exposition aux carnavals d'aujourd'hui (rien sur le Brésil, ou presque). Il y a là quelques très beaux masques. Certains puisés chez Voukoum, des "Mas-a-Rou-kou" affichant des couleurs ocre rouge en référence aux Amérindiens qui peuplaient les Antilles avant l'arrivée des colons et de leurs esclaves noirs. D'autres ont été créés en Martinique par les Diables rouges, groupe carnavalesque affectionnant les cornes, queues et dents de boeuf, associées à des casques de moto ou des feuilles de bananier.
Une bwadjak, épave de voiture retapée et peinturlurée pour les défilés, est placée au centre de cette salle "antillaise", qui a valu à l'exposition de recevoir la bénédiction de l'année des Outre-mer en France. Pour le reste, les masques sont dans leurs vitrines. Vaval (le roi du carnaval aux Antilles) n'a soufflé aucun vent de fantaisie au Musée Dapper.
Monde de travestissements
Faut-il assimiler à des mascarades les cérémonies rituelles du Bénin ou du Nigeria dédiées aux Egungun, représentations des ancêtres trépassés, habillés de costumes extravagants, de sequins, de tissus bigarrés, de miroirs, et qu'il convient de ne jamais toucher, sous peine de maladie immédiate ? Oui, sans doute, si l'on s'en tient à la part de jeu incluse dans toutes ces cérémonies (initiation, mariage, mort, allégeance au roi...). Tout n'est pas sérieux, dit cette figure bamileke (Cameroun) avec ses grosses bajoues, ses grandes oreilles, ses dents pointues, une pièce prêtée par le Muséum Tietberg de Zurich.
D'Angola, de Guinée-Bissau, du Mali, du Cameroun, du Congo, de Côte d'Ivoire, etc., les masques exposés donnent la mesure du grotesque et du sacré, notamment par une belle séquence animalière (tête de pélican de l'île de Carache, tête de requin de l'archipel des Bijago en Guinée-Bissau ; tête de buffle bozo du Mali collectée par l'ethnologue Marcel Griaule en 1959).
Outils de la transformation des identités, un fondement du carnaval, ils ont été figés en bon ordre, alignés dans la pénombre. Pour retrouver les regards croisés entre continents et esthétiques, il faut s'en référer au catalogue coordonné avec bonheur par la commissaire Christiane Falgayrettes-Leveau, dynamique exploration d'un monde de travestissements, de correspondances occultes, de danses et de débordements.
"Mascarades et carnavals", Musée Dapper, 35 bis, rue Paul-Valéry, Paris 16e. Mo Victor-Hugo. Jusqu'au 15 juillet 2012. Tous les jours, sauf mardi et jeudi, de 11 heures à 19 heures. Tél. : 01-45-00-91-75. De 4 € à 6 €. Catalogue, éd. Dapper, 328 pages, 33 €. Sur le Web : Dapper.fr.
Véronique Mortaigne | |
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