L'union de la Terre et du ciel

La Terre enfanta d'abord Uranus couronné d'étoiles et le rendit son égal en grandeur afin qu'il la couvrît tout entière et qu'elle offrît aux bienheureux Immortels une demeure toujours tranquille ; elle créa les hautes montagnes, les gracieuses retraites des Nymphes divines qui habitent les monts aux gorges profondes. Bientôt, sans goûter les charmes du plaisir, elle engendra Pontus, la stérile mer aux flots bouillonnants ; puis, s'unissant avec Uranus, elle fit naître l'Océan aux gouffres immenses, Céus, Créus, Hypérion, Japet, Théa, Thémis, Rhéa, Mnémosyne, Phébè à la couronne d'or et l’aimable Téthys.

(Hésiode Théogonie, vers 126-136)



Cette union de la Terre et du ciel est très riche en idées: elle implique une liaison étroite entre le monde et les dieux, entre ce qui est terrestre et ce qui est céleste. De fait, les dieux, bien que différents des hommes et supérieurs à eux, ne sont pas coupés d'eux. Ce lien entre humain et divin mènera les grecs à représenter les dieux sous des formes humaines la plupart du temps. Dans les mythes, les dieux viennent souvent vivre avec les hommes, comme Apollon durant son exil, ou Zeus avec ses concubines. Pour les païens, en général, les dieux sont proches des hommes.

Rubens a illustré ce thème avec un tableau que je trouve magnifique.

Et en Egypte, la Terre et le Ciel sont représentés par Geb et Nout...

Ces dieux, ainsi que le soleil et la lune, ont été adorés par pratiquement tous les peuples. C'est une sorte de piété naturelle. La Terre nous a engendré, la science le montre bien, et elle nourrit les hommes. Le ciel, lui, nous offre une image de l'infini et féconde la terre par la pluie. Les adorer me semble donc normal.

C'est en cela que l'on peut parfois parler d'universalisme pour le paganisme, enfaite c'est l'universalisme des conditions terrestres (tout peuple a vu la lune et le soleil, vu les plantes pousser, affronté la mort) qui a impliqué cet "universalisme". (désolé mais je méprise ce mot).
Toute fois cela s'arrête la, c'est une pièce de théâtre avec des décors identiques mais un jeu de scène et une philosophie différente. L'universalisme naturel a donc engendré de très nombreuses cultures différentes.

Pour finir je dirais que la Cosmogonie grecque, est un des récits qui m'a le plus marqué. Dans un premier temps, la description de la création des dieux et du monde est ampli d'images et de symboliques formidables, mais avec le recul scientifique actuel, on en viendrait presque a croire qu'il n'y a pas que cela .

Je n'ai pas dit le contraire, ou pour reprendre ton exemple:
Le ciel existe en Scandinavie comme en Egypte, mais les deux peuples n'en tireront pas la même image. d'ou ma phrase "L'universalisme naturel a donc engendré de très nombreuses cultures différentes. "

Je me suis peut être mal exprimé.

Edit :
Apres bien sur, il y'a des spécificités géographiques, un égyptien n'a pas connu les forets froides du nord de l'Europe.
Cela a forgé des caractères différents j'en conviens tout a fait. Mais je parlais de façon plus générale, l'eau le feu, le ciel, la terre, etc....
S'il y a une déesse du ski chez les germains et pas chez les romains ou les grecs ce n'est pas pour rien

Enfin si je ne dit pas de conneries, Mircea Eliade a écrit la dessus (mais malheureusement je ne l'ai jamais lu pour me fonder un avis précis)

Et bien que tu te poses en juge me donne un aperçue de ta façon d'être.
Surtout que nous disons la même chose....bref passons a autre chose que ce débat de sourds.

Stop!

En scandinavie il y a bel et bien un déluge, le sang d'Ymir noit tout les géants sauf un couple. On peut retrouver un déluge dans pratiquement chaque civilisation.

Edit:
De plus c'est le feu et non l'hiver qui détruis le monde.

D'accord avec Julius.
J'ai envie de dire par contre que le déterminisme géographique auquel vous vous référez est un peu dangereux. Il n'explique pas toujours tout. Je cherche un contre-exemple... tenez, cette histoire de déluges qui sont présents dans les mythes de régions à forte pluviométrie... j'suis pas sûr que la Mésopotamie soit très pluvieuse - j'ai pas vérifié, mais il me semble qu'aujourd'hui l'Irak ne fasse pas partie des pays à la pluviométrie la plus élevée. L'inondation fait peut-être référence à autre chose, comme le débordement des fleuves, mais ne vient pas du fait qu'il y ait des pluies diluviennes. Et les fleuves ça déborde partout. Après, il y a l'Egypte où là ça aide quand le fleuve déborde.
J'suis d'accord qu'il y a un fort déterminisme géographique sur les schémas de pensée humains, mais ça ne change rien au fait qu'il y a une terre et un ciel, un soleil partout. Et je pense que c'est très hypothétique de dire que si le ciel est féminin en Egypte c'est parce qu'il/elle ne pleut pas... C'est surtout induit par rapport au Soleil, dont la vache céleste Nout est le véhicule.

Quant à Hésiode - et c'est surtout là-dessus que je voulais ajouter quelque chose - il semble que le mythe de l'union entre Gaïa et Ouranos soit plus un thème de la désunion : Ouranos est d'abord en perpétuelle union avec la Terre, c'est-à-dire, pour parler crument, qu'il la pénètre insatiablement. Il empêche ainsi la Terre d'accoucher de leurs enfants, bloquant la chaîne des générations et donc le temps. Tout ça pour souligner l'action fondatrice de Cronos qui, en émasculant Ouranos, le contraint à s'écarter de la Terre. Cela implique que la voûte céleste, assez grande pour recouvrir la Terre entière, est éloignée d'elle, au-dessus et non plus dessus (en grec, la distinction est très marquée). Cela implique aussi le lancement de la succession des générations, avec d'abord les Titans, et donc le déroulement "normal" du Temps. L'union entre Gaïa et Ouranos n'est pas une union perpétuelle, au contraire, c'est leur désunion qui est fondatrice, cosmogonique.

L'idée d'une union ciel-terre avec la pluie fécondant le sol fertile, vous la retrouverez plutôt dans l'union de Zeus et Démétèr, le premier étant invoqué à Eleusis par la formule "hyé" ("pleus!") et la seconde, déesse des terres agraires, par la réponse "kyé" ("enfante!").
Mais le mythe hésiodique d'Ouranos et Gaïa ne marque pas une unité de destin entre ciel et terre. Au contraire, les dieux sont supposés crécher au-delà d'Ouranos, dans l'Ether, dans les régions sublunaires de la lumière éternelle... La Terre est un lieu de passage, le points où se rencontrent toutes les choses, où le jour et la nuit se partagent le temps, où dieux et hommes se partagent l'espace et les jeux de la vie...

fafnir a écrit:

Stop!

En scandinavie il y a bel et bien un déluge, le sang d'Ymir noit tout les géants sauf un couple. On peut retrouver un déluge dans pratiquement chaque civilisation.

Edit:
De plus c'est le feu et non l'hiver qui détruis le monde.

Dans le commencement c'est aussi avec le feu puis la glace que commence le début de la vie

Morgane a écrit:

En bien non, justement : le climat n'a rien d'universel.

Si le ciel peut être masculin dans les pays où il pleut, il devient féminin en Egypte où il ne pleut pas, le Nil (dieu masculin) assurant la fécondité du pays.

Le Nil comprend aussi des déesses gardiennes.

Anoukis Déesse protectrice des sources du Nil.

Le feu et la glace agissent ensemble pour créer la vie, l'hiver dont parle morgane est le fimbulvint, l'hiver terrible qui dure trois ans, c'est un annonciateur tout comme la corne d'Heimdall qui suivra ou les trompettes célestes du jugement dernier pour les chrétiens.

Dire que le ciel est masculin parce qu'il pleut est réducteur Anshar, Enlil, Anu, sont des dieux mésopotamien du ciel pourtant il pleu pas des masses.

Avec le recul, je pense que ce mythe qui mèle union et séparation est à l'image de l'attitude grecque envers les dieux. d'un coté, dans l'Iliade, les dieux sont aux cotés des hommes, de l'autre, et c'est dit clairement par Apollon, qui arrête Diomède, il y a aussi un fossé entre hommes et dieux. On dirait que les Grecs oscillaient toujours entre ces deux extrèmes, avec des divinités à la fois accessibles et inaccessibles, proches et lointaines. Même si en général, c'est une certaine proximité qui l'emporte, je crois.

Sinon mea culpa, le tableau en question, c'est l'union de la terre et de l'eau