Sur les traces des druides de l'Orléanais

La fête de la Samain marque, pour les Celtes, le passage à la nouvelle année, le 1er novembre.

Source: http://www.larep.com/une-21375.html

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Sur les traces des druides de l'Orléanais

Une poignée d'irréductibles Orléanais font revivre un ancien culte celtique dans ce qui était jadis la forêt des Carnutes. Ils y développent une spiritualité païenne proche de la nature.

Il se fait appeler Astérix. Bon vivant, volontiers fort en gueule, il partage avec le héros d'Uderzo d'épaisses bacchantes et une potion magique ; « le poiré ». Le moustachu retrouve parfois quelques amis « gaulois » sous de vieux chênes endormis. Main dans la main, en cercle, ils en appellent alors aux esprits de la nature et à leurs dieux, Belenos ou Toutatis.

Nos irréductibles de la forêt d'Orléans ont tous des noms « initiatiques » : Saille, Sionnach, Artugenos, Kaouenn. Ils appartiennent à deux groupes - la clairière Cerridwen et celle des Carnutes - qui se réclament du druidisme contemporain (ou néo-druidisme), résurgence d'un ancien culte celtique.

Pratiquement rayés de la carte des Gaules par les Romains et l'avènement du christianisme, les druides ont refait leur apparition au XVIIIe siècle dans les milieux franc-maçonniques du Royaume-Uni, où ils seraient aujourd'hui une dizaine de milliers.

Croiser un groupe de païens en robe blanche - la saie - dans les sous-bois orléanais est plus surprenant. « C'est vrai qu'on les imagine plus facilement dans les pays anglo-saxons, mais les druides se réunissaient tous les ans dans notre région, qui était à la croisée de plusieurs peuplades », raconte Saille (le saule). La forêt des Carnutes se dressait là, immense, autour de Chartres et d'Orléans. La druide a baptisé sa clairière du même nom, en 2005, après avoir suivi pendant plusieurs mois les enseignements par correspondance d'un courant anglais : l'Ordre des bardes, des ovates et des druides (Obod), les trois degrés spirituels du mouvement.

Le gui coupé à la serpe

La plupart de ses collègues ignorent ses activités druidiques. Dans « le monde profane », la quinquagénaire, d'origine bretonne, est une employée comme les autres, dans l'informatique, mais « quand on enfile la saie, on rentre dans le temps sacré ». La quinzaine d'adeptes du département cherchent dans le druidisme une « spiritualité naturelle » qui donne aux quatre éléments, aux arbres et aux pierres une place centrale dans leurs rituels.

« L'homme est déconnecté de son environnement. Il vit sur la terre sans se rendre compte qu'il a les pieds dessus. » Druides, bardes, ovates et druidisants (des sympathisants qui n'ont pas suivi l'enseignement) se retrouvent huit fois l'année pour les fêtes celtiques, dont les quatre solstices et équinoxes et la Samain, ancêtre d'Halloween, qui marque, le 1er novembre, le début de la « saison noire ».

Leur tunique blanche sur le dos, ils coupent le gui à la serpe, l'hiver, tressent des couronnes végétales et boivent l'eau des sources. Un barde vient parfois jouer de la cornemuse autour de la tablée nocturne et les cornes à boire se vident alors, dans un joyeux désordre, sans que personne n'ait à se soucier des légions romaines environnantes.


Repères

Une religion au Royaume-Uni
Le druidisme a officiellement accédé au statut de religion au Royaume-Uni, au mois d'octobre dernier. « Il y a une foi suffisante dans un être ou une entité supérieure pour constituer une religion », a tranché une commission gouvernementale à l'issue d'un long processus.

Huit fêtes celtiques
L'année celtique est rythmée par huit fêtes : Samain (1er novembre) ; Alban Arthan (21 décembre) ; Imbolc (1er février) ; Alban Eilir (21 mars) ; Beltaine (1er mai) ; Alban Hefin (21 juin) ; Lugnasad (1er août) ; Alban Elfed (21 septembre).


La butte des élus de Mézières nourrit la légende locale


Une partie de l'action d'« Astérix et les Goths », troisième album de la série de bande dessinée, se déroule dans la forêt des Carnutes (autour des villes actuelles de Chartres et d'Orléans), où Panoramix est convié à un rassemblement annuel de druides.

Les membres des clairières orléanaises apprécient le travail d'Uderzo : « Les Gaulois ont parfois l'image de sauvages tout juste bons à faire la guerre. Il en a fait un peuple sympathique, bon vivant, avec un druide puissant et instruit. » Une petite route de campagne mène jusqu'à la butte des élus. Cette bosse boisée de 12 mètres de haut domine les alentours de Mézières-lez-Cléry, à 14 kilomètres au sud-ouest d'Orléans. Il s'agit d'un tumulus érigé par la main de l'homme, probablement autour de trois siècles avant Jésus-Christ.

Un bracelet en or creux, un autre en terre cuite, un fourreau d'épée, des morceaux d'armures et un vase de bronze ont été découverts sur les lieux, avec deux épées en fer à double tranchant repliées sur elles-mêmes, traces éventuelles d'un rite funéraire gaulois.

Un mari ou la fertilité

Une statue de la Vierge coiffe la butte. Elle y aurait été placée en remerciement de la protection du village pendant la guerre de 1870. Un serpent entoure ses pieds, posés sur une arche faite de blocs rocheux. La légende veut que les jeunes femmes qui passent dessous à sept reprises sans rire ni sourire sont assurées de trouver un mari ou la fertilité.

Stella Gissi, une habitante de Mézières, a épousé Sébastien Grivolat au sommet du tumulus, en août 2008, pour « sortir de la froideur des églises et être en communion avec la forêt ». Bien lui en a pris. Elle est aujourd'hui enceinte.

Sébastien Duval